mardi 3 mai 2011

CONNAÎTRE LA POLICE. Grands textes de la recherche anglo-saxonne. (2003)

Introduction

par Jean-Paul Brodeur
et Dominique Monjardet

Si beaucoup aimeraient être célèbres, peu souhaitent vraiment être connus. Être connu, c'est être prévu, et c'est donc déjà être contrôlé. Les institutions et les groupes - par exemple, les professions - ne souhaitent pas être connus et opposent une résistance à ceux qui veulent en savoir plus sur eux. La force de cette résistance se mesure à la volonté de préserver le mythe qui, pour plusieurs professions, constitue le filtre de leur perception par le public. Plus le mythe est rentable, et plus l'opposition à ce qu'il soit démonté sera systématique, comme nous l'enseignent le droit, la profession médicale ou les « professionnels » de l'information. La police n'est à cet égard pas différente des autres professions ou des autres institutions, si ce n'est que sa mythologie est plus puissante que celle d'aucune autre profession, la militaire exceptée.

Ce qui distingue véritablement la police est que sa résistance à être connue paraît en grande partie légitime et qu'elle est en conséquence protégée par les institutions. La légitimité du secret policier repose en partie sur un principe de mimétisme qui transforme en doublons les parties qui s'opposent dans un conflit. Si le « milieu » est prêt au meurtre pour garder ses secrets, la police qui veut le pénétrer ne saurait elle-même légitimement révéler ses astuces ; les secrets de la police ne sont d'ailleurs pas seulement légitimes, mais ils ont aussi vu leur légitimité sanctionnée par la loi. « Secret défense », « sécurité nationale », « secret de l'enquête » ou « protection des indicateurs », il ne manque pas de dispositions législatives pour protéger la police d'un regard extérieur et pour entretenir son mythe.

« Secret défense »,
« sécurité nationale »,
« secret de l'enquête » « protection des indicateurs »...
Pourtant, cette résistance s'est considérablement affaissée dans le monde anglo-saxon, où il existe maintenant une littérature de recherche sur la police qui est sans doute plus élaborée que celle qui porte sur aucune autre profession. Les textes réunis dans ce recueil en témoignent. D'où la question : pourquoi un savoir sur la police a-t-il commencé à se constituer dans le monde anglo-saxon - aux États-Unis d'abord, puis au Royaume-Uni - après 1950, la thèse de William A. Westley sur la violence policière étant l'oeuvre pionnière ?

Nous tenterons de donner quelques pistes de réponse à cette question.

Ce que fait la police - sociologie de la force publique

Les termes apparemment transparents de police et de policier recouvrent des métiers et des pratiques professionnelles fort variés, et parfois les plus étrangers les uns aux autres. La police est un instrument du pouvoir, qui est censé lui assigner ses missions ; elle est aussi un service public, susceptible d'être requis par tout un chacun; et elle est un corps professionnel, avec ses intérêts propres et ses pesanteurs. Les objectifs officiels de l'institution ne s'harmonisent pas spontanément avec les valeurs des policiers, les structures organisationnelles existantes et la parcellisation des tâches policières, dont l'efficacité est difficilement mesurable.

A travers une analyse exhaustive et minutieuse du travail des policiers et des rouages de l'institution, fruit d'une enquête sur le terrain de plusieurs années, Dominique Monjardet éclaire les mystères et les paradoxes d'un corps qui reste souvent presque aussi opaque pour ses propres membres que pour les profanes. Du commissariat à la compagnie de C.R.S., des valeurs proclamées aux frustrations rentrées, la force publique est passée au crible.

Dans la dernière partie de son ouvrage, Dominique Monjardet aborde le problème des réformes de la police et des stratégies de lutte contre l'insécurité montante dans une société qui veut rester démocratique. Les tentatives de réforme à la française aussi bien que les expériences de police de proximité ou de police « communautaire » anglo-saxonnes sont passées en revue, tandis que la question du contrôle de la force publique est posée avec rigueur. Ses propositions pour une police a la fois efficace et démocratique font de ce livre non seulement une somme de connaissances sans précédent, mais un guide incontournable pour l'action publique.

Dominique Monjardet, sociologue, est chercheur au CNRS. Il est l'auteur, sous le pseudonyme de Pierre Demonque, de Les policiers (collection « Repères» , La Découverte, 1983 ). De 1989 à 1994, il a été conseiller technique dans le domaine de la recherche à l'Institut des hautes études de la sécurité intérieure.

Les visages de la police. Pratiques et perceptions

Les travaux sociologiques se sont essentiellement penchés jusqu'ici sur la police publique en tenue. Or, la police revêt de multiples visages et les activités policières sont assurées par un ensemble très ramifié d'agences qui ne travaillent pas nécessairement en partenariat. Cet ouvrage décrit donc dans toute sa complexité les modalités de la mise en ?uvre de la sécurité ainsi que les diverses facettes de la police. Il rend compte des problèmes de méthode rattachés à l'étude de la police surtout lorsqu'on aborde les notions de force et de coercition policière qui deviennent ambivalentes dès que l'on considère les activités d'autres producteurs de sécurité, comme les enquêteurs, les agents des services de renseignement et tout le secteur privé. 

À travers les réformes les plus récentes de la police qui ont donné naissance à la police de communauté et à la police de résolution de problèmes, Jean-Paul Brodeur trace un portrait juste et complet de la police en tenue. S'appuyant sur son travail auprès de diverses commissions d'enquête judiciaires, l'auteur aborde également la police en civil et, de façon particulière, les services de renseignement ainsi que les derniers changements en matière de sécurité privée. Cet ouvrage constitue une synthèse fort utile des plus récents développements sur la police. Jean-Paul Brodeur est professeur titulaire à l'École de criminologie et chercheur principal au Centre international de criminologie comparée de l'Université de Montréal. Auteur de nombreux articles et ouvrages, il a également dirigé de nombreuses recherches dans divers organismes gouvernementaux. Il a reçu en 2002 une bourse Killam.


Titre exact : Les visages de la police. Pratiques et perceptions
Artiste : Jean-Paul Brodeur

Disponibilité : Canada
Date de parution : 20 avril 2011
Éditeur : Les Presses de l'Université de Montréal
ISBN : 9782760623972

Présumé non coupable, des flics contre le racisme

A un moment où, en Europe, la police cherche des pistes entre le tout répression et le travail de proximité le travail qu’Yves Patrick Delachaux mène avec ses collègues présente une réponse efficace et fondée.


Ce gendarme suisse sait de quoi il parle : il a été policier sur le terrain dans l’un des quartiers les plus « chaud » de Genève et il est aujourd’hui formateur en éthique et droits de l’homme dans la police genevoise. Son livre fait la synthèse d’un travail en profondeur, se fondant sur les nécessités et les réalités du terrain. Il propose des pistes de formation et de résolutions de conflits applicables partout, dans le respect et le pragmatisme. Il soulève le débat de la discrimination comme « outil pratique » pour les agents de la force publique. Car aujourd’hui, dans l’Europe en mouvement, les policiers sont en contact quotidien avec les migrants. Ces relations sont émotionnelles, souvent douloureuses au vu des réalités de la migration. Le travail de la police est, entre autres, de distinguer ceux qui contreviennent à la loi, mais comment pour cela ne pas se fier à ses préjugés ?


Avec Alain Devegney et Sarah Khalfallah, il est l’instigateur d’un programme de médiation en collaboration avec les communautés étrangères à Genève (qui a été relaté dans le film documentaire d’Ursula Meier, « Pas les flics, pas les noirs, pas les blancs »), Yves Patrick Delachaux poursuit aujourd’hui cette action dans le cadre de la formation continue des policiers. Les affaires, relatées dans la presse, qui stigmatisent des actions racistes ne sont que la partie visible d’une relation complexe entre l’application de la loi et la réalité du terrain. Car les policiers n’entrent pas dans la police parce qu’ils sont racistes, mais bien souvent la réalité émotionnelle et quotidienne du métier les conduit à agir de manière discriminante et raciste. C’est ce glissement que vise à éviter ce livre. Comment prévenir les dérapages et garantir l’efficacité de la police, Yves Patrick Delachaux propose là une réflexion et une approche passionnante.

Préface de Jean-Daniel Vigny, Département fédéral des affaires étrangères, mission permanente de la Suisse auprès de l¹ONU à Genève, ministre en charge des questions relatives aux droits de l’homme.

Postface de Frédéric Maillard, formateur en ressources humaines, professeur HES en travail social, directeur de Preventive Business (action préventive des conflits en dégénérescence impliquant les entreprises transnationales).