dimanche 4 juin 2017

Enfin, une étude sur les apprentissages policiers en Suisse romande !






L’ouvrage Devenirs policiers, aux éditions Antipodes du sociologue David Pichonnaz, décrypte la formation et le parcours de celles et ceux qui rejoignent la force publique en Suisse romande. L'étude de terrain est basée sur une immersion à l'école de police et des entretiens approfondis menés avec des policières et des policiers fraîchement entrés dans le métier.


2017 - 224 pages


Communiqué de presse du 10 mai 2017 à Lausanne

Régulateurs sociaux ou bras armés de l’État ?
 

Regard sociologique sur les recrues policières et leur formation

L’ouvrage livre le portrait d’une profession marquée par des courants contradictoires. Elle est traversée, en Suisse romande, de débats et même de tensions : policières et policiers de tous rangs sont en désaccord sur la meilleure manière d’accomplir leurs tâches, notamment à propos de la place que doit jouer la contrainte dans leur travail. Ces débats se traduisent par des contradictions dans l’enseignement prodigué aux nouvelles recrues. Le dispositif de formation, qui présente de nombreux traits atypiques, possède en outre un caractère violent contribuant largement à placer la force au centre du message diffusé aux nouvelles recrues. Les visions du métier de ces dernières, même après quelques années de pratique, sont cependant contrastées sur de nombreux points. Les jeunes policières et policiers réagissent en effet de manière différenciées à leur formation et leurs premières années de pratique en fonction de leurs parcours antérieurs à l’entrée dans la profession, en particulier leurs trajectoires sociales et leur socialisation de genre.

Une profession en tensions
Dans le monde policier romand, les manières traditionnelles d’exercer le métier se trouvent mises en questions par des policiers que l’on peut qualifier de « réformateurs ». Ils ont pour projet de changer la police, se servant de la formation comme outil de réforme. Ces acteurs défendent une vision large des objectifs et compétences des policières et des policiers, rapprochant la profession du travail social. Dans cette perspective, la police devrait selon eux se concentrer non pas sur la lutte contre la délinquance, mais la résolution de problèmes. Ils promeuvent des compétences alternatives à la coercition (persuasion, négociation, médiation) et un rapport de proximité avec la population. Certains défendent auprès des nouvelles recrues une attitude de résistance vis-à-vis de leurs supérieurs directs.

Une formation marquée par la violence
Grâce à des séjours répétés effectués au sein de l’Académie de police de Savatan et des entretiens menés avec des formateurs dans toute la Suisse romande, l’auteur montre que ces efforts réformateurs se trouvent face à de nombreux obstacles, à commencer par la présence d’autres formateurs enseignant des modèles professionnels largement plus traditionalistes. Parmi eux, certains s’attaquent même aux prescriptions officielles encadrant l’usage de la force. En outre, la place centrale accordée à la violence dans les exercices pratiques contribue à diffuser, auprès des élèves policiers, une image des citoyens comme étant hostiles et menaçants. 

Profils de recrues : une question de parcours et de genre ?
L’ouvrage s’intéresse de manière approfondie aux nouvelles recrues, que le chercheur a suivies lors de leur formation puis dans leurs premières années de pratique. Il montre que, puisque la formation est traversée d’oppositions, elle échoue à conformer les nouvelles recrues à une manière unique de faire leur travail. L’étude indique au contraire qu’elles conçoivent et pratiquent leur métier de manières très contrastées. Ces contrastes trouvent leurs racines dans le passé des recrues : visions et pratiques du métier varient en fonction de leurs trajectoires de mobilité sociale (pertes et gains de statut, socialisation familiale) et de leur socialisation de genre (intériorisation ou non des modèles traditionnels de la masculinité et de la féminité). Ce mécanisme est d’autant plus visible dans la police que le recrutement est largement plus hétérogène aujourd’hui qu’hier : les corps de police engagent des individus aux milieux sociaux d’origine plus diversifiés que par le passé, davantage de femmes et un peu plus fréquemment des personnes issues des migrations.

David Pichonnaz est docteur en sociologie (Université de Fribourg et École des hautes études en sciences sociales, Paris). Spécialisé dans l’étude des métiers relationnels, il est chercheur à la Haute école de santé Vaud et chargé de cours à l’Université de Lausanne.

Référence complète de l’ouvrage :
Pichonnaz, David (2017) Devenirs policiers. Une socialisation professionnelle en contrastes, Lausanne : éd. Antipodes (collection « Le livre politique – CRAPUL »), 244p.
ISBN : 978-2-88901-108-7 Commandes : www.antipodes.ch